La maternité, un tabou?


Je vogue depuis quelques temps déjà sur les pages des mamans ordinaires, des mamans cinglantes, des mamans parfaites et imparfaites. Un mot résonne : malaise. Exactement, un malaise lié aux mensonges véhiculés sur les réseaux sociaux. Ne vous méprenez pas, je ris parfois aux éclats en visionnant ces stories qui me rappellent mon quotidien. Mais où est la vérité? La pure et simple vérité. Celle qui affiche la détresse commune que vit toutes les mamans, celle qui illustre, que non, un verre de vin n’efface pas la journée, la soirée, la semaine dévastatrice passée avec ses enfants. En fait, on diminue la réalité pour la rendre buvable, acceptable. C’est plus divertissant de suivre une mère « à boute » qui se moque de son malheur au lieu de fondre en larmes. À qui ce mensonge est-il réellement utile?

J’en suis venue à la conclusion que finalement, la maternité est taboue. On la rend belle, drôle pour étouffer le mal qui se vit à l’intérieur. Ne dites pas à personne qu’un matin, vous avez voulu tout quitter. Qu’au terme d’une journée épuisante vous avez hurlé: « J’en veux pu d’enfants !!!». La maternité doit demeurer facile et amusante, sinon qui voudrait avoir des enfants? Jamais je n’aurais pensé me sentir aussi seule en devenant maman. La maternité est aussi vieille que le monde, et pour une raison que j’ignore, les mères n’en parlent pas ouvertement. On boucle la ceinture et on embarque dans le train. Malgré les embuches, malgré les accidents, on garde le sourire et on continue. 

Maman, Wonderwoman

Est-il possible de discuter de ce qui se passe réellement dans la tête des mamans? Vous me direz qu’on en parle de ces maux reliés à la maternité, c’est vrai, on nous parle de la dépression post-partum, des douleurs post césarienne, du manque de sommeil, etc. Cependant, cette solitude ne se guérit pas par une pilule mais par un dialogue, aujourd’hui encore absent. Et pourtant, votre voisine fait probablement face aux mêmes défis. Par contre, vous la croiserez et lui direz que tout va bien et que vous vivez le grand amour avec votre bébé. De son côté, elle vantera les plaisirs de l’allaitement et du cododo. Quant au fond, votre bébé vous le vendriez pour pas cher, et elle, donnerait tout pour avoir une nuit seule, dans son lit, à soigner ses mamelons gercés. D’où provient cette obstination à rester muette devant ce surmenage? « Si nos grands-mères pouvaient avoir dix enfants ça ne doit pas être sorcier! » diront certaines. Mais devons-nous réellement honorer ce passé qui ne correspond plus du tout à notre réalité actuelle de maman/ épouse/ employée? 

Une des raisons pour lesquelles on se tait, c’est la peur. La peur d’être la seule à ne pas avoir ressenti une connexion instantanée à la naissance. La peur de réaliser que, finalement, être mère ce n’est pas pour nous. La peur du jugement des autres mamans. Cette peur insomniaque qui nourrit l’angoisse de l’incompétence. Le sentiment de ne jamais être à la hauteur et la culpabilité qui pèsent lourd. Ce fâcheux feeling de ne jamais en faire assez, de ne jamais être assez. Combien de fois avez-vous lu, vu, entendu des mères dire qu’elles veulent juste se laver? Et si bébé se mettait à pleurer? Et s’il devenait anxieux par mon absence? On se doit d’être forte, infatigables, parfaites parce que sinon on se sent coupable. Prévaloir nos enfants du meilleur environnement possible en mettant en berne nos désirs. Nous valorisons tout ce que nos enfants font; du plus beau chat-chien-poulet dessiné, au morceau de brocoli avalé. Et si nous accordions autant d’importance à nos accomplissements qu’aux leurs pour une fois? Se permettre de créer une version de la femme que vous avez envie d’être et non celle que vous devez être. 

La perfection dans l’autodestruction

La satanée comparaison prend énormément d’espace dans la création du sentiment d’incompétence. Rituel autodestructeur : les réseaux sociaux. Cet univers qui renvoie des images de mamans promouvant l’inatteignable. Résultat :la destruction de l’estime de soi. La comparaison devient tellement forte qu’on perd confiance en nous et en nos capacités d’être une bonne maman. Et si le modèle de la mère parfaite visé était celui que vous êtes capable d’atteindre? Changeons la cible et misons sur nos aptitudes à devenir la meilleure version de nous-mêmes. 

Qui suis-je? 

 Effectivement, il faut s’appliquer à embellir l’image de soi au lieu de se trouver en l’Autre. Tâche ardue, puisque dès le jour de l’accouchement, on comprend rapidement qu’on est une maman avant tout et toutes douleurs endurées seront bénéfiques pour l’enfant à venir. Et si être une maman n’était qu’une partie de notre entité mais pas la totalité? Force est de constater, qu’il n’y a pas si longtemps, lorsqu’on me demandait de me décrire, je répondais: « Je suis une maman de trois enfants ». Qui suis-je? Pourquoi laissons-nous cette perte d’identité s’intensifier avec le temps? Notre plus grande réalisation doit-elle inévitablement être nos enfants? Et si mon premier rôle à incarner dans le théâtre de la vie était celui de femme et non de maman?

Il y a des soirs où les questionnements m’empêchent littéralement de dormir. Cette incertitude vis-à-vis de mes compétences, mes objectifs, mes buts personnels. Se trouver des passe-temps pour s’évader bien sûr. Lire : pas le temps. Marcher : trop fatiguée. Cuisiner : si la recette est réalisable en quinze minutes. Comment se définir lorsque tout ce que nous sommes se concrétise par l’existence de l’autre? Il faut conserver notre identité et entretenir ces plaisirs égoïstes au lieu de les mettre au rancart. Assouvir ses désirs et propulser de l’avant des idées qui dessineront, au final, le portrait d’une maman heureuse et authentique. 

S’écouter 

Il faut délester la charge mentale de sur nos épaules, afin de reconnecter le cerveau à notre corps. On doit retrouver le chemin qui mène à nos besoins intrinsèques. Cesser d’éviter notre vide intérieur et plutôt chercher à le combler. C’est épeurant le vide. C’est un combat contre vous ou plutôt pour vous. Ce défi en vaut le coup, selon moi, puisqu’un jour, ma fille et mes garçons respecteront cette femme qui a pris des risques et assumé ses échecs. 

Il est temps de détruire les tabous et parler de la Maternité. Sortons-nous la tête du sable et arrêtons d’embellir le laid au lieu de l’aborder. Ayons le courage d’affirmer notre souffrance intérieure, notre détresse. Essayons de prévenir ce mal qui habitera peut-être, pendant un certain temps, ces futures mamans. Disons-leur que le soleil se lèvera un matin et qu’elles brilleront à nouveau. Il faut être honnête, parce que vous savez, même si ma mère m’avait appris tout ce que je sais aujourd’hui, j’aurais quand même voulu être une maman.

Maude Racicot

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